La légende veut que Jacques, un pêcheur de Galilée devenu l’un des plus proches apôtres du Christ, ait évangélisé la péninsule ibérique jusqu’à son point le plus occidental, la Galice. Au IXème siècle, sous le règne d’Alphonse II le chaste, roi des Asturies et initiateur de la Reconquista, un ermite touché par la grâce découvre le tombeau de Jacques le Majeur. Alphonse le Chaste décide immédiatement de faire bâtir une chapelle pour célébrer l’apôtre.
 

Une chapelle devenue cathédrale, puis lieu de pèlerinage en 950, date à laquelle Godescalc, l’évêque du Puy-en-Velay, marche 1515 kilomètres pour se recueillir sur le tombeau. Suivant l'exemple de cette odyssée personnelle, de nombreux fidèles européens se lancent sur les chemins qui mènent à Saint-Jacques. Le pèlerinage est né.
 

Beaucoup plus tard, le phénomène prend une dimension touristique à portée mondiale à mesure de la labélisation des chemins de Compostelle par le Conseil de l’Europe ou encore l’Unesco. Les chrétiens y côtoient désormais des non-croyants, des passionnés de randonnée ou de simples touristes. En 2022, ils sont près de 440 000 pèlerins, venus d’une centaine de pays dans le monde, à s'être rendu jusqu’à Saint-Jacques-de-Compostelle, un chiffre en constante augmentation depuis les années 1990.
 

Quels sont les ressorts de la popularité des chemins de Compostelle ? Quelle place occupent-ils dans l’imaginaire d’une certaine Europe chrétienne ? Comment les pratiques religieuses et touristiques se mêlent-elles ? Enfin quels enjeux économiques pour les communes traversées par ce célèbre pèlerinage ?
 

Mélanie Chalendon reçoit Marie-Hélène Chevrier, géographe, maîtresse de conférences à l’Institut catholique de Paris ainsi que Christophe Alcantara, professeur des universités en sciences de l’information et de la communication à l’université Toulouse-Capitole, membre du conseil scientifique de l’agence française des chemins de Compostelle.
 

Selon Christophe Alcantara, l'approche moderne de pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle fait primer le cheminement sur la destination, la beauté des paysages à la dévotion : “Le lieu saint, le sanctuaire, n’est plus l’objectif et le chemin qui historiquement n’est que le moyen d’y parvenir est devenu le but. D’ailleurs, beaucoup de pèlerins estiment aujourd’hui que leur pèlerinage s'arrête face à l’océan, bien après avoir dépassé le sanctuaire, ce qui représente une véritable hérésie.”
 

L'engouement touristique pour les sites chrétiens donne l'occasion à l'Eglise de sensibiliser le public à son message, explique Marie-Hélène Chevrier : “C’est une opportunité de faire découvrir et comprendre la foi à des touristes parfois très éloignés du catholicisme sans tomber dans le prosélytisme.”
 

Selon Christophe Alcantara, bien que les pèlerins ne soient pas forcément guidés par une foi chrétienne, le chemin de Saint-Jacques n'est pas un sentier de randonnée comme les autres : “De prime abord, la plupart des pèlerins disent n’être que de simples marcheurs, mais au cours d’entretiens plus longs, beaucoup avouent aussi des motivations spirituelles au sens large, une façon de dépasser une épreuve ou un moment marquant de la vie comme la retraite, un deuil ou la fin d’une longue maladie.”

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